La première fois que je l’ai vu
dans un documentaire de Jack Hazan
ce petit homme frêle souriant volubile
aux cheveux platine
avec des grandes lunettes rondes
– je le pris d’ailleurs pour Andy Warhol –
parlait de peinture et de ses projets
avec frénésie et enthousiasme
Des rushs des années soixante-dix
le montraient dans une villa ensoleillée
sur les hauteurs de Los Angeles
avec son jeune amant nageant dans une piscine
bleu turquoise
de cela nous reste un tableau (mythique)
intitulé
A Bigger Splash !
On le voyait encore dans les montagnes du Colorado
mitrailler le paysage
avec son Polaroid SX 70
puis,
dans son atelier, en réinventer
les myriades de couleurs
sur de grandes fresques vertigineuses
Il y avait aussi ces paysages en mouvement
dans l’éclat de l’été :
champs vallonnés
routes en lacets de son Yorkshire natal
ceux-là même qu’il
sillonnait au volant de sa 2 CV
cahotante
Comme j’aimerais
écrire des tas de poèmes
pour des tas de filles
être aussi productif et
jubilatoire que David Hockney
dans sa cosmogonie picturale…
Les sensations et les impressions
du peintre sont tordues par le spectre chromatique des couleurs
qui fulgurent
« Sorry if i’ve fucked up some of the philosophy »
dit-il à son exégète
qui cherchait à l’enfermer
dans le carcan fumeux d’une théorie…
David Hockney est le poète moderne
que je rêverais d’être
si j’avais mangé les pigments de la vie
avec autant de sensualité
de grâce de déraison
que de tranquillité maîtrisée
David Hockney est un dieu
qui a raison de s’ignorer
À satiété il peint
À satiété il jouit
La liberté est un acte
qu’il accomplit chaque jour
en s’éternisant
en dansant sur la toile
Sa peinture est un grand cri hédoniste
L’art, la forme suprême de l’espoir.