Le numéro de REALPOETIK que vous tenez entre vos mains, communément appelé REAL #18, est le dernier.
Depuis ce beau mois de janvier 2016 où tout a commencé, de nombreuses cigarettes ont été fumées, de nombreuses bières bues, de douloureuses migraines ont été produites à bidouiller dans le code de ce putain de WordPress, des centaines de poèmes ont été soumis à la faim, à la soif, au stress, à l’influence de psychotropes qui font uriner bleu ou sortir des bulles des oreilles, introduits dans des labyrinthes ou des grandes roues qui tournent dans le mauvais sens, notés selon leurs performances, ces protocoles standardisés nous permettant au passage de nous faire plein d’amis, de nous en prendre lâchement à des personnes âgées, d’avoir des poupées vaudou à notre effigie planquées sous quelques lits de poètes de par le monde, de dire urgemment et impérieusement des choses qui nous semblaient urgentes et impérieuses à dire, de nous frotter à la critique littéraire en tâchant de faire marrer la galerie quand c’était possible, de défendre et d’illustrer un genre de poésie qui nous faisait particulièrement kiffer et auquel nous avons donné un nom : la REALPOESI.
Ce faisant, nous, tôliers de Realpoetik, avons accumulé suffisamment de trimestres pour jouir d’une retraite bien méritée dans un charmant petit bungalow sur l’île Maurice.
Pour tout cela, nous remercions donc les auteurs et autrices, illustrateurs et illustratrices, lecteurs et lectrices, robots-espions russes et spammeurs et spammeuses de boîte mail, toutes ceux et celles qui nous ont soutenus et qui nous soutiennent encore dans cette belle et grande entreprise vaine.
Ce n’est pas triste.
Comme tous les organismes vivants, les revues naissent, vivent, connaissent des amours tumultueuses et des tracasseries administratives, se pètent la hanche, meurent.
Toutes ? Non ! Car REALPOETIK, à l’instar de ce ravissant petit animal appelé le tardigrade, est capable de se mettre en état de biostase – également appelée cryptobiose –, c’est-à-dire d’arrêter son métabolisme afin de survivre dans des conditions particulièrement pénibles, chaleur extrême, froid glacial, vide sidéral – l’organisme pouvant ainsi survivre un nombre indéfini d’années, de décennies, de millénaires, même dans un bout de permafrost ou sur l’élastique du slip d’un astronaute, puis, lorsque les conditions redeviennent favorables, agiter ses petites pattes, s’ébrouer, et reprendre son existence, beau gosse et l’haleine fraîche comme devant.
La biostase correspond-elle vraiment à la définition de la vie, celle-ci étant généralement caractérisée par des fonctions (homéostasie, reproduction, évolution, etc…) ou au contraire l’organisme se livrant à cette pratique ressuscite-t-il, ce qui en ferait, d’une certaine façon, une sorte de messie revenu pour nous sauver de nos péchés ?
Vivrons-nous assez longtemps pour voir le jour de la résurrection réalpoétique ?
Laissons les scientifiques et les théologiens se mettre sur la gueule sur ces épineuses questions, et, si vous le voulez bien, admirons combien les cycles et mystères de la vie et de la mort sont au cœur de ce numéro #18 :
Au rayon Realpoesi,
Thierry Radière nous emmène dans les terribles déceptions de prisonniers japonais revenus inopinément à la vie ;
Marc Guimo nous donne des nouvelles de ses premières aventures dans l’au-delà ;
Rim Battal nous fait part de la destinée d’une partie de nous-même à jamais séparée à la naissance ;
Le camarade Van Honfleur De la Bodega voudrait vivre mille ans.
Au rayon des Masses critiques,
Sammy Sapin effectue un séjour là-bas, beaucoup moins pénible que tout ce qu’on vous a raconté sur les séjours là-bas (comme quoi on vous ment) ;
et Grégoire Damon lit un très gros bouquin de Pierre Vinclair.
Bien entendu ce numéro et ses glorieux prédécesseurs restent en ligne et consultables un peu partout dans le monde, mais si vous matez ça au sultanat du Brunei vous faites pas choper.
En vous la souhaitant bien bonne,
Les tôliers.