Texte précédemment publié dans le numéro 5 de la revue Métèque n°5, malheureusement épuisé. Avec l’amical accord de JF Dalle.
et tu souris
je ne te respecte pas
d’ailleurs
je ne respecte personne
je ressens c’est tout
je n’ai plus de conviction
c’est plus profond maintenant
tout est rentré dans l’ordre je t’aime ou je ne t’aime pas
je sais que tu t’en fous
je ne t’aime pas
Que fais-tu
dans ma gare
déguisé en forêt
à venir frôler mon fils
avec le canon de ton fusil froid, que fais-tu avec ton détecteur de métaux à boucher l’entrée de notre parc alors qu’il y a trois autres entrées par le côté ?
Je passerai toujours par l’autre si j’ai envie je trouverai, ceux qui veulent faire péter ce que tu crois protéger sauront le faire de toute façon
c’est facile de tuer au hasard
tu n’y changeras rien
que fais-tu déguisé en forêt à venir frôler mon fils avec le canon de ton fusil froid ? Et tu souris, qui t’a appris à être fier comme ça ? donne-moi l’adresse j’ai besoin de confiance
j’ai cru que j’allais te le dire mais tu me fais peur pauvre salope, et tu ne sais même pas que tu es pauvre pauvre salope, je compatis, un peu, je compatis, comme quoi je ne te respecte pas
elle est finie l’époque où le militaire ramenait le pain à sa famille affamée
faisait ça pour ça
tu as le choix
je ne te respecte pas
je ne respecte personne et je n’aime pas ce mot
on ne fait pas dans la politesse quand on aime, on aime ou on n’aime pas
on cherche à être bien et ça bouge
et je hurle parce que tu me dégoûtes
il n’y a pas que toi
ne t’en fais pas
mais c’est toi que j’ai croisé, hier
c’est ton visage que j’ai vu et c’est de toi que je parle, et c’est à toi que je parle
je ne te le pardonnerai pas tu as souri à mon fils tu as paradé devant lui faisant mine d’être un héros, déguisé en forêt, mignonne mascotte tu t’en fous mais ton sourire m’a donné la foi je ne suis pas capable de te tordre le cou rumeur crasseuse, j’ai eu envie de te planter mais je ne veux pas ça
non plus, et j’ai peur mais je ne tendrai pas l’autre joue, parce que la violence n’est pas que physique et que toi,
déguisé en forêt,
tu en propages l’odeur
tu la formes tu la vantes tu nous la vends
tu ne te sens pas ridicule et tu ne te sens pas dangereux ? tu n’as pas remarqué qu’il est fini ton rêve ? que c’est fini de ramper dans la boue oui c’est fini l’aventure, la belle aventure, tu déambules comme un con avec ton uniforme dans les parcs devant les mosquées les églises au marché devant les préfectures et les synagogues dans les manifestations, tu brises les chants
tu te tires dessus
tu tires sur tes enfants tu croyais partir à la guerre tu as de quoi être déçu c’est ici, Donald à Disneyland a plus de prestance que toi, un rôle plus noble,
tu incarnes, tu ne fais qu’incarner tu n’existes pas tu es déjà mort, le pouvoir de la peur la raison du pouvoir, la peur, le pouvoir de la peur te mâche et te recrache, tu as le choix mais continue, continue et sois fier, forme les enfants à la passion de la guerre, souris, sois fier pantin, ta présence est délétère et ton sourire, aux enfants, nous promet de jolis siècles de lâcheté et du sang et des bombes, tu n’es pas le tout de cette infamie, tu n’es qu’un petit pion de l’échec, tu t’en fous, tu t’amuses bien ? Tu es bien payé ? tu te sens utile ? qui es-tu ? as-tu été un enfant ? Sais-tu que l’armée à laquelle tu appartiens n’a jamais forgé la paix ? Redresse les épaules on te prend pour un con, je te prends pour un homme, je te dis : tu as le choix,
tu ne sais rien de nous,
nous sommes à tes trousses
ne te retourne pas
ça tu sais faire
foncer corps sans tête
tu aimes les ordres ? je vais t’en donner : jette-toi du haut de mon immeuble en chantant du Joe Dassin
que je te voie passer quand je bois mon café
quand je fume en admirant la lune
joue-moi le spectacle du repenti qui n’a pas supporté
écris-nous ce livre sur les abominations de tes rues,
tu l’as ce livre, à l’intérieur de toi et ce n’est pas trop tard
parce que oui
tu as souri à mon fils mais je ne t’ai pas tué
j’ai été sage,
tu as le choix
mais fais gaffe, l’aimant approche
tu accélères
le temps file et la collision n’est pas si loin
saisis ta chance
si tu te sens coupable c’est que tu es
encore vivant
tu peux mériter mieux
que ce réveil
que ces rêves
quelques questions, tu jouis tu culpabilises ? tu joues tu te méprises ? tu y crois vraiment ? jusque là c’était vrai tu n’as pas le choix et puisque c’est fait passons mais maintenant Respire
égorge le colonel
tire l’oreille du sergent
mange le nez de l’amiral
appelle ta fille dis-lui que tu l’aimes
va voir la mer
il y en a des choses à faire
on pourrait même se croiser
écris
tiens
écris
ta haine ton impuissance et ton envie d’être un héros
c’est tout ça un poète
un grand acteur
ou un curé
défroque-toi
repeins ton uniforme
tu me fais de la peine
déguisé en forêt
je ressens de la pitié
comme quoi c’est bien vrai, je ne te respecte pas
je ne t’avais pas menti
taille-toi de là
et ne souris plus jamais à mon fils.